Chirurgie du strabisme

(Les opérations de strabisme)

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Pourquoi opérer un strabisme ?

(= quelles sont les indications opératoires)


Deux raisons sont possibles, une seule des deux  suffit.

1) pour améliorer la vision

2) Pour améliorer l’esthétique, sachant que chez l’enfant, comme chez l’adulte, l’esthétique du regard peut avoir un rententissement psychologique et social majeur.


Quels sont les facteurs de décision opératoire ?

- Le risque anesthésique : il faut des arguments forts pour décider d’opérer un enfant présentant un risque anesthésique particulier, lié à une pathologie grave associée. Même en dehors de toute pathologie, le risque n’est pas le même à 1 an et à 5 ans. Pour opérer à 1 an, il faut qu’il existe un bénéfice à réaliser une chirurgie précoce, compensant ce risque, même si celui-ci reste infime.


- Les chances de succès de la chirurgie, telles que les exposera le chirurgien. Car, 98% de chances de bon résultat en une seule intervention ou bien 50% de chances de bon résultat en au moins 4 interventions, ce n’est pas pareil ! Et la difficulté chirurgicale dépend peu de l’importance du strabisme. Des strabismes modérés posent parfois des difficultés chirurgicales importantes.


- Le bénéfice fonctionnel escompté : nul si le but est purement esthétique, majeur s’il s’agit d’une paralysie oculomotrice avec diplopie, ou s’il existe un torticolis d’origine oculaire. En fait, lorsque le but est  purement esthétique, il existe souvent un bénéfice médical psychologique et surtout social ...et c'est beaucoup.


- - Les motivations du patient : si l’indication est uniquement esthétique et que le patient n’a pas très envie de se faire opérer, le chirurgien dira souvent : " Réfléchissez  tranquillement, puisqu’on opérera aussi bien dans 20 ans. ".


Avant

En quoi consiste la chirurgie du strabisme ?

Le strabisme est en général d’origine cérébrale, mais on ne sait pas opérer le cerveau pour opérer le strabisme.

En revanche, on sait opérer les muscles oculomoteurs. Ce sont les muscles qui font bouger les yeux. Il sont au nombre de 6 par œil et agissent comme des bretelles qui, fixées sur l’œil, le font bouger.


La chirurgie consiste à régler les « bretelles », c’est à dire les muscles, pour réaligner les yeux.

Pour cela, on peut affaiblir certains muscles (en général, on les rallonge avec du fil, comme on rallongerait des bretelles pour les détendre) et en renforcer d’autres (en les raccourcissant, comme on raccourcirait des bretelles pour les retendre).


Ces muscles oculomoteurs sont très superficiels et, pour la plupart, faciles d’accès, simplement recouverts par la conjonctive qui est une fine membrane : on fait une incision dans la conjonctive et on a accès aux muscles (sans avoir besoin de sortir le globe oculaire de l’orbite!).


Les fils utilisés sont, en général, résorbables : on n’a pas besoin de retirer les fils. On n’utilise des fils non résorbables que si on souhaite que ceux-ci persistent toute la vie.

Photo pendant les réglages:

Les fils sont visibles, ils pendent de l’œil gauche (sur votre droite) de cette patiente qui repartira les yeux droits.

Après

Durée et immobilisation :

Le plus souvent, il s’agit d’une chirurgie ambulatoire, même en cas d’anesthésie générale.

L’arrêt de travail minimum est de 3 jours, le maximum -sauf exception- de 10 jours (selon les activités, les désirs personnels, en sachant que la rougeur de l’œil n’est pas un motif de prolongation d’arrêt de travail).

La conduite automobile ne redevient possible que lorsque le patient estime avoir retrouvé des performances visuelles normales (3 jours, mais exceptionnellement 2 mois)

Le port de lentilles est rarement possible avant 1 à 3 semaines.


« Uniquement esthétique » pourrait faire croire qu’une motivation esthétique est secondaire aux yeux du chirurgien. Ce n’est pas le cas. Un regard anormal esthétiquement a aussi des conséquences sociales, dès le CP. Le patient strabique est gêné pour regarder son interlocuteur, et ce dernier ne sait pas comment regarder une personne strabique, par crainte de donner l’impression de scruter le strabisme : les deux sont mal à l’aise et la relation est perturbée.


Lors d’un congrès de strabologie en juin 2014, rassemblant 150 ophtalmologistes et orthoptistes, j’ai posé la  question suivante :

« si vous deviez avoir un strabisme évident incurable ou une amblyopie profonde (=un œil qui ne voit pas) que préféreriez-vous ? »

Tous les participants sauf deux préféraient une amblyopie mais pas de strabisme.


Certains patients disent après l’opération que c’est le début de leur nouvelle vie.

Exemple de chirurgie à 93 ans, par un chirurgien dont, par modestie, nous tairons le nom


Le point sur   Le Point_  


Le palmarès des hôpitaux et cliniques, édité par Le Point_, fournit des renseignements intéressants. Il est cependant utile d’expliciter un élément déterminant de sa méthodologie, et qui échappe à nombre de lecteurs et de professionnels.

Concernant la plupart des chirurgies non vitales, telles que la chirurgie du strabisme et de la diplopie, il ne prend nullement en compte la proportion de succès et d’échecs des opérations :


*le patient qui présentait un strabisme disgracieux présente-t-il encore un strabisme visible après l’opération ?


*le patient qui voyait double voit-il encore double après l’opération ?


Le critère du succès de l’opération est essentiel pour  nos patients, même si les journalistes du point le négligent.

Note :

Le problème est le même pour la chirurgie du genou :   Le Point_ ne précise pas si les patients boitent ou non après chirurgie.

En revanche,  pour les chirurgies vitales à fort risque, telles que la chirurgie cardiaque, le critère de la survie du patient ou de l’apparition de complications graves, est souvent un bon critère de réussite de l’opération.

En réalité, comparer les muscles oculomoteurs à des bretelles est  très approximatif :

Ce sont des bretelles « bourrées » de capteurs dits proprioceptifs qui renseignent le cerveau sur l’état de tension des muscles et sur la position des yeux. Lorsque l’on relâche ou l’on retend un muscle, le cerveau réagit à cette action et s’adapte. Or, il n’y a pas deux cerveaux identiques. C’est pour cela qu’il existe une incertitude sur le résultat d’une opération : si on opère exactement de la même façon deux patients qui présentent un strabisme identique (et dont lors de l’opération, les muscles présentent les mêmes caractéristiques), le résultat peut être très différent, parce que leurs cerveaux vont s’adapter différemment. Cela explique aussi que sous anesthésie générale (ou sous anesthésie péribulbaire, par injection autour de l’œil), la position des yeux n’a plus aucun rapport avec la réalité : le chirurgien n’a plus de point de repère et opère d’après son examen clinique et d’après l’aspect des muscles.


La chirurgie réglable sous anesthésie topique (anesthésie locale limitée à des gouttes de collyre anesthésique) permet d’examiner le patient en situation normale en cours d’opération puis de modifier la chirurgie jusqu’à obtention du résultat voulu. Elle améliore ainsi spectaculairement la qualité du résultat et le taux de réussite en une seule intervention.